Sous chaque paupière supérieure se trouvent 2 glandes lacrymales (principale et accessoire) qui sécrètent un liquide équivalent à une solution saline, mais contient aussi des protéines, du glucose… De minuscules canaux acheminent cette substance vers la surface de l'œil.
Les paupières, par leur clignement, permettent de répartir ce liquide sur toute la surface de l'œil. C’est par le même mécanisme de clignement que le liquide est évacué par le point d’entrée des voies lacrymales. Il s’écoule ensuite par canal qui se termine dans les fosses nasales.
D’autres glandes importantes sont situées dans l’épaisseur des paupières : les glandes de Meibomius. Leurs pores de drainage débouchent sur le bord de la paupière à proximité de la racine des cils. Ces glandes participent également à la production des larmes et en particulier dans sa composition en lipides. Les pathologies des glandes de Meibomius sont désormais associées à un terme regroupant les pathologies qui les concernent : la dysfonction des glandes de Meibomius (DGM).
La bonne qualité du film lacrymal repose donc sur un fonctionnement adéquat des structures qui les fabriquent. En cas de dysfonctionnement d’un de ces systèmes, l’équilibre de la composition physiologique des larmes est rompu. Chaque constituant présente un intérêt. La richesse en gras évite notamment une évaporation trop rapide des larmes et facilite un bon glissement des paupières sur le globe. Les protéines permettent l’adhérence à la surface de l’œil.
Le film lacrymal remplit plusieurs fonctions :
- il lubrifie l'œil en créant une surface lisse sur la cornée, sur laquelle les paupières peuvent facilement glisser ;
- il nourrit la cornée, car cette dernière est dépourvue de vaisseaux sanguins et reçoit donc des nutriments à travers le film lacrymal ;
- il protège l'œil des infections et élimine les impuretés qui peuvent s’y déposer.
Il est possible de distinguer deux formes principales de sécheresse oculaire : celles liées à un défaut de sécrétion et celles imputables à un excès d'évaporation.
La sécheresse oculaire entraîne un inconfort pouvant se traduire par une sensation de grains de sable, des démangeaisons, des brûlures ou des picotements au niveau de la surface oculaire. Elle peut également occasionner une sensibilité à la lumière et provoquer une rougeur des yeux ou du bord des paupières.
Les symptômes qui constituent la plainte ne sont pas toujours le reflet de l’atteinte clinique. Autrement dit, il n’est pas toujours aisé d’établir une corrélation entre les symptômes et les signes cliniques visibles à l’examen.
Il est primordial de réaliser un examen clinique précis, notamment pour visualiser l’atteinte des structures superficielles de l'œil.
Afin de faciliter les indications de traitements, une classification a été établie par l’ODYSSEY European consensus group(1). 14 critères y sont pris en compte afin de déterminer au mieux la sévérité de l’atteinte et donc la thérapeutique à mettre en place. L’ensemble de ces critères définit différents scores et oriente le diagnostic sous forme d’un arbre décisionnel.
La sécheresse oculaire peut conduire à diverses complications parmi lesquelles l’irritation de la cornée et les infections oculaires sont les plus fréquentes.
Les motifs de consultation pour sécheresse oculaire représentent entre 15 et 25 % des fréquentations en cabinet d’ophtalmologie. Ce phénomène a toujours existé mais il a pris beaucoup plus d’ampleur(2)
Ces dernières années, des facteurs environnementaux, nutritionnels et d’hygiène de vie sont mis en cause. Ainsi, les gaz d’échappement, l’air sec avec la climatisation ou certains modes de chauffage, les courants d’air… peuvent favoriser la survenue d’une sécheresse oculaire.
Le travail sur écran sur une durée quotidienne supérieure à 7h représente un facteur de risque de développer des symptômes d'œil sec.
Le tabagisme joue également un rôle négatif, d’une part à cause de la fumée, mais également du fait du stress oxydatif qu’il engendre.
Les symptômes d’irritation oculaire sont fréquents chez les porteurs de lentilles. La sécheresse oculaire chez les porteurs de lentilles représente un risque réel de lésions à terme. Il est alors conseillé de limiter voire supprimer le temps de port de lentilles. Dans 12% des cas, cet inconfort lié au port des lentilles conduit à l’arrêt de leur utilisation. Une solution de correction par laser peut être proposée si la personne est une bonne candidate pour ce type de traitement.
La sécheresse oculaire peut être liée à certaines maladies auto-immunes (la polyarthrite rhumatoïde, le lupus…). Et elle peut s’associer à une sécheresse de la bouche dans le syndrome de Gougerot-Sjögren.
L’acné rosacée est assez caractéristique car le bord des paupières est rouge et il y a des plaques rouges sur les joues et une couperose.
La sécheresse peut être liée à la prise de médicaments du fait de leur mécanisme d’action. C’est le cas, par exemple, de certains antidépresseurs ou des traitements hormonaux. L’âge, la ménopause ou l'andropause, les anomalies de la morphologie des paupières… sont également des facteurs qui peuvent provoquer ou aggraver une cause déjà déterminée.
Il est impératif, dans un premier temps, de rechercher les facteurs favorisants de la sécheresse.
En effet, certaines mesures peuvent être prises, lorsque cela est possible, pour atténuer les désagréments :
● réduire les temps d’exposition aux environnements secs : climatisation, etc.
● éviter les environnements toxiques : tabac, pollution intérieure et extérieure
● limiter les contextes d’efforts de fixation : écran d’ordinateur, lecture, télévision…
L’instillation de collyres hydratants épais, appelés larmes artificielles, constitue une solution habituelle pour calmer les symptômes. Ces traitements substitutifs lacrymaux ont pour vocation de compenser l'hydratation des yeux et de lutter contre la sécheresse oculaire. Leur efficacité permet de soulager les symptômes à condition d’être bien employé. En effet, le fait qu’ils se présentent sous forme de gel visqueux peut occasionner des dépôts plus ou moins désagréables. Les propriétés varient d’un produit à l’autre. Il en existe des plus ou moins visqueux et il faut parfois plusieurs essais pour trouver la consistance qui convient le mieux à une personne en particulier. Pour la nuit, la forme pommade peut être indiquée pour une action sur la durée du sommeil.
Les larmes étant issues d’une sécrétion de l’organisme, on peut imaginer que leur composition soit un reflet du fonctionnement biochimique de celui-ci. La sécheresse oculaire génère un stress oxydatif entraînant une production accrue de radicaux libres et conduisant à un état d’inflammation chronique à la surface de l'œil. Il se produit alors un cercle vicieux d’auto-entretien des processus inflammatoires du fait des dommages cellulaires et de l'activation du système immunitaire.
Des études ont montré une corrélation positive entre la prise d’omégas-3 (contre placebo) sur la diminution des symptômes et signes de la sécheresse oculaire(3).
Les omégas-3 permettent de lutter contre l’inflammation et empêchent l’apoptose, c’est-à-dire la mort des cellules, en l’occurrence celles qui sécrètent, au niveau de l'œil, les composants nécessaires au film lacrymal(4).
L’apport d’antioxydants a pour vocation d’enrayer le stress oxydatif. La fine couche (appelée épithélium) de la surface oculaire, est une zone d’échanges nutritionnels. Afin de lutter contre ces dommages, plusieurs micronutriments, connus pour leur action antioxydante, sont désormais bien connus.
Une formulation très récente a été mise au point, contenant notamment des polyphénols, des vitamines A et E, et permettrait d’obtenir des résultats prometteurs(5).
Une étude de 2017 suggère également qu’une carence en vitamine B12 pourrait aggraver les symptômes de sécheresse oculaire(6). S’assurer de l’absence de déficit en cette vitamine chez les patients souffrant de sécheresse oculaire et, le cas échéant, la supplémenter, serait donc intéressant.
Sur la base de ces connaissances, les compléments alimentaires antioxydants se révèlent donc comme une option de traitement complémentaire de la sécheresse oculaire.
1. Baudouin C, Aragona P, Van Setten G, Rolando M, Irkeç M, Benítez del Castillo J, et al. Diagnosing the severity of dry eye: a clear and practical algorithm. Br J Ophthalmol. sept 2014;98(9):1168‑76.
2. Sergheraert L. Le syndrome de l’œil sec, une pathologie en forte progression. Actual Pharm. févr 2022;61(613):35‑8.
3. Giannaccare G, Pellegrini M, Sebastiani S, Bernabei F, Roda M, Taroni L, et al. Efficacy of Omega-3 Fatty Acid Supplementation for Treatment of Dry Eye Disease: A Meta-Analysis of Randomized Clinical Trials. Cornea. mai 2019;38(5):565‑73.
4. Roncone M, Bartlett H, Eperjesi F. Essential fatty acids for dry eye: A review. Contact Lens Anterior Eye. 1 avr 2010;33(2):49‑54.
5. Ng D, Altamirano-Vallejo JC, Gonzalez-De la Rosa A, Navarro-Partida J, Valdez-Garcia JE, Acosta-Gonzalez R, et al. An Oral Polyphenol Formulation to Modulate the Ocular Surface Inflammatory Process and to Improve the Symptomatology Associated with Dry Eye Disease. Nutrients. 7 août 2022;14(15):3236.
6. Ozen S, Ozer MA, Akdemir MO. Vitamin B12 deficiency evaluation and treatment in severe dry eye disease with neuropathic ocular pain. Graefes Arch Clin Exp Ophthalmol Albrecht Von Graefes Arch Klin Exp Ophthalmol. juin 2017;255(6):1173‑7.
]]>Le glaucome est une maladie du nerf optique. La zone d’insertion du nerf optique, située à l’arrière du globe oculaire, se nomme la papille ou tête du nerf optique. C’est à ce niveau que les prolongements des cellules ganglionnaires rétiniennes quittent le globe oculaire pour former le nerf optique. Comparable à un câble de quelques millimètres de diamètre, il emmène les informations visuelles jusqu’à la partie du cerveau qui les traite.La détérioration du nerf optique engendre le plus souvent des symptômes à bas bruit sur le champ visuel et la qualité de la vision. Dans la grande majorité des cas, le glaucome survient lorsqu’il existe une hausse de la pression dans l'œil.
C’est la forme la plus fréquente du glaucome qui représente quasiment 90% des cas. D’apparition progressive et insidieuse, les symptômes sont en général absents ou tardifs. Il est en lien avec une dégradation lente et progressive du nerf optique, le plus souvent à cause d’une élévation de la pression intra-oculaire.
Beaucoup plus rare, cette présentation est due à une fermeture brutale de l’angle irido-cornéen. La tension intraoculaire augmente alors rapidement, sur quelques heures. Les symptômes sont alors marqués par des douleurs intenses, accompagnées de nausées et de vomissements ainsi que d’une vision diminuée. C’est une urgence thérapeutique en ophtalmologie.
L’hérédité constitue le facteur de risque principal sans que la cause exacte en soit actuellement comprise. Elle est retrouvée dans 30% des cas. Les personnes, dont un membre de la famille au 1er degré est atteint de glaucome, doivent être fortement incitées à se faire dépister et surveiller.
L’âge constitue ensuite un facteur important. Ainsi, la fréquence augmente avec les années puisque le galucome touche 1 à 2 % de la population de plus de 40 ans et environ 10 % des personnes après 70 ans.
L’hypertonie oculaire correspond à une pression trop importante à l’intérieur de l'œil. Il s’agit d’un facteur de risque majeur de glaucome. La pression intra oculaire (PIO) est considérée comme élevée au-delà de 21 mmHg. Cet excès de pression peut, à long terme, endommager les fibres visuelles du nerf optique et altérer la perception des images.
Même si elle est très souvent retrouvée, l’hypertonie oculaire n’est pas le seul facteur qui influence la dégradation du nerf optique puisqu’une PIO normale n’empêche pas certaines personnes de développer un glaucome.
D’autres facteurs peuvent favoriser la survenue d’un glaucome : une myopie forte, une cornée anormalement fine, un traitement par corticoïdes au long cours, de même que les antécédents de chirurgie ou de traumatisme oculaires.
À noter que l’hypertension artérielle n’est pas un facteur de risque de glaucome contrairement à ce que l’on pourrait croire. En effet, la pression intra oculaire n’est pas corrélée à la pression artérielle.
Ce qu’il faut savoir avant tout, c’est que dans de nombreux cas, le glaucome ne présente aucune manifestation. Indolore et sans signe visuel jusqu’à un stade avancé, il peut se révéler asymptomatique pendant une longue période.
Le glaucome porte classiquement atteinte au champ visuel, en touchant d’abord la périphérie et en s’étendant progressivement vers le centre. Cette perte du champ visuel périphérique caractéristique se fait le plus souvent de manière insidieuse. En effet, la personne concernée ne s’en rend pas toujours compte car un phénomène de compensation se met en place par l’autre œil.
La baisse de la vision fait également partie des symptômes majeurs qui doivent conduire à une consultation ophtalmologique.
Comme le glaucome a la particularité de ne se manifester par aucun symptôme pendant très longtemps, un dépistage systématique est préconisé à partir de 40 ans.
Plusieurs examens ophtalmologiques peuvent être effectués, parmi lesquels :
- mesure de l’acuité visuelle ;
- mesure de la pression intraoculaire à l’aide d’un tonomètre dont il existe plusieurs modèles (tonomètre à air, tonomètre à aplanation de Goldmann). Elle est considérée élevée à partir de 21 mmHg ;
- mesure de l’épaisseur de la cornée (pachymétrie) également importante car elle peut fausser la mesure de la pression intraoculaire.
Les traitements pour agir sur la pression intra oculaire
Aucun traitement n’est connu à ce jour pour guérir le glaucome ni restaurer la vision. Mais les traitements actuellement utilisés permettent de repousser l’évolution de la maladie en réduisant et en normalisant la pression intra-oculaire. Des recommandations ont récemment été publiées par la Haute Autorité de Santé (HAS)(1).
L’instillation de gouttes ophtalmiques (collyres) 1 à 2 fois par jour représente le traitement de première intention du glaucome chronique à angle ouvert. Le succès est avant tout conditionné par l’observance du traitement, c’est-à-dire sa bonne application quotidienne.
4 classes de médicaments sont principalement utilisées et éventuellement associées entre elles. Ces médicaments doivent être pris à vie.
Réalisé au cabinet de l’ophtalmologue et quasiment indolore, le traitement au laser est indiqué et pratiqué par le médecin ophtalmologue. Il vise à reperméabiliser les orifices d’évacuation du liquide à l’intérieur de l'œil. Plusieurs techniques peuvent être utilisées.
Souvent proposés lorsque le traitement médicamenteux ne permet plus de contrôler la pression intra oculaire, ils peuvent également être indiqués d’emblée dans certains cas précis.
En règle générale, la chirurgie est réservée aux formes de glaucome qui évoluent malgré le traitement médical bien conduit, avec une pression intra-oculaire non équilibrée et une perte du champ visuel qui s’aggrave.
Dans d’autres cas, elle est indiquée en cas de mauvaise tolérance au traitement médical ou d’une réponse insuffisante aux traitements laser.
Le nerf optique est composé des axones des cellules ganglionnaires de la rétine qui sont les prolongement des fibres nerveuses spécifiques de cette région. La neurodégénérescence et les facteurs vasculaires (insuffisance circulatoire locale) sont souvent impliqués dans la dégradation du nerf optique. La recherche étudie la possibilité d’agir pour préserver ses fibres et ainsi maintenir les fonctions visuelles.
Par leurs mécanismes d’action ciblés et synergiques, trois molécules présentent dans les compléments alimentaires pourraient avoir une action complémentaire et synergique dans la prise en charge thérapeutique du glaucome.
La citicoline est étudiée depuis plusieurs décennies en ophtalmologie. Elle aurait un rôle neuroprotecteur et atténuerait la perte des cellules ganglionnaires. Elle aurait également un rôle bloquant sur la cascade d’évènements conduisant à la mort cellulaire (apoptose)(2).
Cela aurait une incidence clinique en ralentissant la détérioration du champ visuel chez des patients dont la pression intraoculaire est contrôlée(3). D’autres études suggèrent également une intervention à plusieurs niveaux sur les circuits antioxydants.
Très récemment, une étude incluant des patients atteints de glaucome à angle ouvert, dont la pression intraoculaire était contrôlée grâce au traitement, ont reçu une association de citicoline et d’homotaurine. La recherche d’efficacité était basée sur l’électrorétinogramme qui représente une mesure objective et directe de la fonction rétinienne. Les résultats sont en faveur d’un effet positif chez les patients recevant ce complément(4).
L’extrait de Ginkgo biloba est un puissant antioxydant et un protecteur vasculaire. Sa vertu principale est d’améliorer le flux sanguin. Dans le cas du glaucome, une étude a montré que le flux sanguin oculaire était augmenté chez les personnes atteintes de glaucome et prenant de l’extrait de Ginkgo biloba. Néanmoins des preuves manquent encore vis-à-vis de l’effet clinique sur les symptômes du glaucome.
Il aurait également un rôle protecteur de la rétine vis-à-vis du stress oxydatif en empêchant l’oxydation des membranes des capillaires sanguins de la rétine.
Le magnésium est connu pour son effet neuroprotecteur et un agent de protection neurovasculaire.
Certaines études sont en faveur d’une amélioration de la qualité du champ visuel, dans le cas de glaucome avec pression intraoculaire normalisée, sous couvert d’un apport complémentaire de magnésium à une dose de 500 mg par jour pendant 1 mois(5). Une autre étude, avec un échantillon de patient plus petit, est venue conforter ces résultats.
1. Recommandations_glaucome.pdf https://www.sfo-online.fr/files/medias/documents/Recommandations_glaucome.pdf
2. Jünemann AGM, Grieb P, Rejdak R. Bedeutung von Citicolin bei der Glaukomerkrankung. Ophthalmol. 2021;118(5):439‑48.
3. Ottobelli L, Manni GL, Centofanti M, Iester M, Allevena F, Rossetti L. Citicoline oral solution in glaucoma: is there a role in slowing disease progression? Ophthalmol J Int Ophtalmol Int J Ophthalmol Z Augenheilkd. 2013;229(4):219‑26.
4. Rossi GCM, Rolle T, De Silvestri A, Sisto D, Mavilio A, Mirabile AV, et al. Multicenter, Prospective, Randomized, Single Blind, Cross-Over Study on the Effect of a Fixed Combination of Citicoline 500 mg Plus Homotaurine 50 mg on Pattern Electroretinogram (PERG) in Patients With Open Angle Glaucoma on Well Controlled Intraocular Pressure. Front Med. 29 avr 2022;9:882335.
5. Aydin B, Onol M, Hondur A, Kaya MG, Ozdemir H, Cengel A, et al. The effect of oral magnesium therapy on visual field and ocular blood flow in normotensive glaucoma. Eur J Ophthalmol. févr 2010;20(1):131‑5.
La Dégénérescence Maculaire Liée à l’Âge (DMLA) est une maladie chronique des yeux qui apparaît le plus souvent après 60 ans mais peut survenir dès l’âge de 50 ans. Plus l’âge avance, plus le risque est élevé. Ainsi, elle atteint 1 personne sur 2 à partir de 80 ans.
Il s’agit de la forme la moins grave et la plus fréquente. Elle se caractérise par un amincissement de la macula qui engendre une baisse lente et progressive de la vision sur une période de 5 à 10 ans. La vision est floue mais la perception des couleurs reste intacte. Cette forme peut évoluer vers la seconde décrite ci-dessous.
Cette forme se caractérise par le développement de vaisseaux sanguins anormaux dans la macula, appelés néovaisseaux. La perte de la vision est beaucoup plus rapide que dans la forme sèche et peut aller de quelques jours à quelques mois. Dans cette forme, la baisse de la vision peut s’avérer plus brutale (25% des cas).
Les symptômes de la DMLA sont polymorphes et variables dans leur intensité. Le plus souvent, un des signes les plus caractéristiques est une déformation des images, des objets et des lignes droites. Le terme médical correspondant est métamorphopsies.
Également, une tache noire dans la partie centrale du champ visuel peut apparaître : le scotome. Le tout peut s’associer à une baisse de la vision. L’apparition d’un seul de ces signes doit amener à consulter rapidement un ophtalmologue.Le dépistage constitue un principe très important car la prise en charge se doit d’être la plus précoce possible.
La grille d’AMSLER est un outil simple d’utilisation ayant pour but de déceler les premiers signes de la DMLA mais aussi de surveiller cliniquement l’évolution de la pathologie. La grille d’Amsler est composée de fins quadrillages blancs sur fond noir qui permettent de mettre en évidence les anomalies et les déficits du champ visuel central.
Pour l’évaluation avec cet outil, il faut garder ses lunettes, se placer à une distance de 35-40 cm de la grille, se cacher un œil puis l’autre. Si la personne voit des lignes déformées, une baisse de contraste ou une altération de la vision centrale, il faut d’emblée suspecter une DMLA.
Les autres examens complémentaires
Le diagnostic est posé par un médecin ophtalmologiste après la réalisation de plusieurs examens.
Ces examens, indolores, sont en général au nombre de 3 :
- L’ angiographie : elle définit le type de DMLA grâce à la visualisation des vaisseaux de la rétine après injection d’un produit de contraste ;
- La tomographie par cohérence optique dite « OCT » : elle permet d’observer la structure de l’oeil ;
- La rétinographie ou photographie du fond d'œil : elle permet de préciser les lésions au niveau de la macula.
La DMLA fait l'objet de recherches importantes d’une part, pour prévenir la maladie, et d’autre part pour la ralentir le plus efficacement possible. La précocité de la prise en charge médicale est capitale.
À ce jour, il n’existe pas de traitement permettant d'enrayer le processus qui mène à la perte d’épaisseur de la macula dans cette forme atrophique car les lésions de la rétine sont irréversibles.
Néanmoins, la prescription de micronutriments sous forme de compléments alimentaires possède un intérêt freinateur sur l’évolution de la maladie.
Et par ailleurs, comme il existe un risque d’évolution vers une forme exsudative, il faut mettre en place une surveillance rigoureuse.
Depuis 2006, la prise en charge de la DMLA de forme exsudative connaît une grande avancée grâce à l’apparition sur le marché des traitements appelés anti-VEGF. Ce médicament est directement injecté dans l’œil après instillation de collyres anesthésiants.
Sans guérir la maladie, les injections répétées d’anti-VEGF par voie intra-vitréenne empêchent la formation des néovaisseaux et réduisent les dommages sur la rétine en asséchant l'œdème qui y est associé. Devenus traitement de référence, ils ont ainsi permis de réduire de moitié le taux de cécité lié aux complications de la DMLA dans le monde.
Depuis cette découverte, les protocoles ont fortement évolué. Initialement, ces traitements ont été validés avec des schémas d'injections systématiques. Par exemple, une moyenne de 7 injections par an a longtemps été une référence. Désormais, leur fréquence s'adapte davantage à chaque patient, au rythme de la progression des néovaisseaux.
De plus, des recherches prometteuses émergent de plusieurs équipes concernant la thérapie génique ou les injections de cellules souches multipotentes. Ces nouvelles thérapeutiques ouvrent la voie pour envisager, à l’avenir, des traitements probablement moins contraignants que les injections répétées d’anti-VEGF(1).
Depuis longtemps, l’alimentation est pressentie pour avoir une influence sur la maladie. En effet, il existe des nutriments bénéfiques au sein de l’alimentation dont la consommation aurait un effet protecteur. C’est le cas des omégas 3, des vitamines à fonction anti-oxydantes (vitamines C, E) ainsi que les oligo-éléments comme le zinc par exemple.
Ainsi, une alimentation saine et diversifiée peut préserver et nourrir les besoins de la rétine dont le vieillissement appauvrit la capacité de ses tissus à maintenir certaines fonctions efficaces. D’après une équipe de l’INSERM de Bordeaux, l’adoption d’une alimentation méditerranéenne contiendrait des ressources adéquates en nutriments nécessaires au tissu rétinien(2).
Étant donné l’impact de la DMLA sur la qualité de vie, les chercheurs étudient l’ensemble des actions à mener pour empêcher ou retarder le développement de la maladie. Ainsi, la piste nutritionnelle a été étudiée et a montré que les compléments alimentaires ont une efficacité prouvée dans la protection et le ralentissement de la progression des lésions rétiniennes.
Les recommandations sont issues de plusieurs études de grande envergure dont l’étude AREDS 2 publiée en 2014 par une équipe américaine. La composition des compléments alimentaires a été déterminée grâce à ses études(3).
L’ophtalmologiste prescrit la prise de compléments alimentaires permettant une supplémentation en antioxydants et en pigments spécifiques.
Ces deux substances font partie de la famille des caroténoïdes et possèdent des propriétés antioxydantes. En effet, la lutéine et la zéaxanthine sont des composants majeurs de la macula.
Les résultats de l’étude AREDS 2 montre une réduction de 18% dans la progression de la DMLA avancée chez les sujets ayant reçu 10 mg de lutéine et 2 mg de zéaxanthine(4).
La rétine est composée schématiquement de l'association de 2 éléments : la rétine neurale et l’épithélium pigmentaire. Ce dernier représente un revêtement protecteur qui autorise le passage d’éléments nutritifs de l'extérieur vers la rétine. Il est particulièrement riche en acides gras polyinsaturés (AGPI) et notamment en DHA (acide docosahexaénoïque) qui correspond à un type d’omégas-3(5).
Une étude a montré l’efficacité d’une consommation journalière de DHA sur la performance visuelle et dans son rôle préventif sur la DMLA(6). La dose recommandée par l’autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA), pour profiter de leurs bienfaits sur la vision, est de 250 mg de DHA par jour.
Les vitamines et oligo-éléments
Les micronutriments impliqués dans la protection contre le stress oxydatif sont bien identifiés. Les vitamines A, C et E sont fondamentales dans ce circuit, tout comme le zinc, le cuivre et le sélénium protègent les cellules contre le stress oxydatif. La prise de vitamines antioxydantes et d’oligo-éléments dans la supplémentation complète les besoins identifiés(3).
Le sevrage tabagique, le maintien d’une activité physique douce et régulière et la maîtrise d’un indice de masse corporelle correct sont autant de recommandations utiles et complémentaires pour prévenir la survenue et/ou l’aggravation d’une DMLA.
Des adaptations pour améliorer le confort de vie des personnes souffrant de DMLA
La rééducation fonctionnelle fait partie des outils complémentaires précieux afin d’aider le patient atteint de DMLA à maintenir son autonomie et continuer à effectuer les activités de la vie quotidienne dans les meilleures conditions possibles.
Plusieurs professionnels peuvent s'inscrire dans cet objectif. Parmi eux, l'orthoptiste joue un rôle essentiel de cet accompagnement : il va aider à apprivoiser cette baisse de vision et trouver des mécanismes de compensation. Il est en effet possible d'apprendre à mieux exploiter ses capacités visuelles résiduelles, en s'appuyant notamment sur la vision périphérique. Également, l’opticien spécialisé en basse vision va permettre de conseiller les aides visuelles les plus appropriées. L’ergothérapeute peut intervenir dans plusieurs domaines tels que la mise en place d’aménagements et d’adaptations du lieu de vie. La liste des intervenants n’est pas exhaustive et d’autres professionnels peuvent également être sollicités (psychologue, psychomotricien, etc.).
Au final, la DMLA relève d’une prise en charge pluridisciplinaire. D’importants progrès ont été réalisés ces dernières décennies grâce à la recherche. Non seulement, les traitements à visée ophtalmologique sont en plein développement, mais le champ de l’alimentation et des compléments alimentaires se révèlent essentiels pour prévenir et ralentir la progression de la maladie.
Sources :
1. Dégénérescence maculaire liée à l’âge (DMLA) ⋅ Inserm, La science pour la santé [Internet]. Inserm. Lien ici
2. Réduire le risque de DMLA en adoptant une alimentation méditerranéenne. Inserm, La science pour la santé [Internet]. Lien ici
3. Agrón E, Mares J, Clemons TE, Swaroop A, Chew EY, Keenan TDL. Dietary nutrient intake and progression to late age-related macular degeneration in the Age-Related Eye Disease Studies 1 and 2. Ophthalmology. mars 2021;128(3):425‑42.
4. Chew EY, Clemons TE, Agrón E, Sperduto RD, SanGiovanni JP, Davis MD, et al. Ten-Year Follow-up of Age-Related Macular Degeneration in the Age-Related Eye Disease Study: AREDS Report No. 36. JAMA Ophthalmol. 1 mars 2014;132(3):272‑7.
5. Querques G, Forte R, Souied EH. Retina and omega-3. J Nutr Metab. 2011;2011:748361.
6. Chong EWT, Kreis AJ, Wong TY, Simpson JA, Guymer RH. Dietary omega-3 fatty acid and fish intake in the primary prevention of age-related macular degeneration: a systematic review and meta-analysis. Arch Ophthalmol Chic Ill 1960. juin 2008;126(6):826‑33.